Fiche
d'expérience - Poitiers
Poitiers
- 87 000 habitants.
- 2 500 agents pour la Ville, le CCAS et la Communauté
d'Agglomération.
- Le District a été transformé en décembre
1999 en une Communauté d'Agglomération qui comprend
10 communes et 125 000 habitants.
- Nombreux dispositifs de Démocratie locale, dans le cadre
notamment de la mise en oeuvre d'un Charte de la Citoyenneté.
- Les dispositifs de Démocratie locale ont été
mis en lien avec les structures déconcentrées existantes.
Genèse du projet
Historique
Il existe depuis longtemps à Poitiers des dispositifs de
démocratie locale, sous la forme notamment de dispositifs
de consultation des associations. Suite aux élections de
1995 et à la reconduction de l’équipe en place,
une fonction de Conseiller Municipal chargé de la Citoyenneté
a été confiée à l’un des membres
du Conseil Municipal. Ce Conseiller a lancé un travail
de concertation avec les associations et les habitants, à
l’issue duquel a été élaborée
une Charte de la Citoyenneté, approuvée par le Conseil
Municipal en 1996. Cette Charte engage la Ville en matière
de Démocratie locale, et constitue un texte auquel les
associations et habitants peuvent se référer lorsqu’ils
sont demandeurs de concertation. Un Observatoire de la Vie Citoyenne,
prévu par la Charte, a également été
mis en place. Il se compose d’élus, de représentants
d’associations et de professionnels des sciences sociales.
Suite à l’adoption de la Charte ont été
mis en place un certain nombre de dispositifs de consultation
et de concertation avec les habitants et les associations. Ces
dispositifs ont par ailleurs été mis en lien avec
les équipements déconcentrés existants dans
les quartiers.
Objectifs
Les objectifs affirmés par la Charte de la Citoyenneté
sont doubles : il s’agit d’une part de renforcer
la concertation, déjà très développée,
entre la Municipalité et les associations et, d’autre
part, de développer des processus de concertation avec
l’ensemble des habitants de la ville, à la fois de
façon régulière et à l’occasion
de concertations sur des projets précis.
Le dispositif aujourd'hui
Découpage en quartiers et organes consultatifs
On peut considérer que la ville de Poitiers est constitué
d’une douzaine de grands quartiers, d'environ 5 à
10 000 habitants, au sein desquels on peut distinguer des
sous-quartiers. Six de ces grands quartiers (Poitiers-Est, Poitiers-Sud,
Trois-Cités, Beaulieu, Les Couronneries et le Centre-Ville)
sont des quartiers historiques, nettement délimités
par la topographie ; les autres sont plus des "lieux
de vie"; liés à des installations plus récentes
de populations. Mais l'existence de ces quartiers ne correspond
pas un découpage administratif formel ; ce sont des
quartiers "vécus" par leurs habitants.
Les habitants peuvent librement constituer des Comités
de Quartier, regroupements assez informels, sur la zone géographique
de leur choix -quartier ou sous-quartier. Ces Comités de
Quartier peuvent être constitués ou non en associations.
Il en existe aujourd'hui une douzaine, auxquels s'ajoutent des
groupes d'habitants non structurés en Comités, ce
qui porte le nombre de ces instances à une vingtaine. Elles
peuvent avoir pour objet la défense des intérêts
des habitants, la mise en oeuvre d'activités socio-culturelles,
etc. La Municipalité considère chacun de ces regroupements
comme un partenaire, qu'elle consulte systématiquement
pour les projets concernant son territoire.
Il existe également des Comités de Consultation
qui se réunissent régulièrement dans les
quartiers, et qui regroupent, suivant une configuration variable
et sur convocation de la Municipalité, les Comités
de Quartier, les acteurs sociaux et de terrain, etc.
Dispositifs de concertation mis en place suite à la Charte
de la Citoyenneté
La Charte de la Citoyenneté dessinait, on l'a dit, deux
grandes orientations : le renforcement de la coopération
existante avec les associations, et le développement de
la concertation avec les habitants non constitués en associations :
Il existe à Poitiers environ 600 associations réellement
actives. La concertation entre la Ville et les associations existe
depuis longtemps, notamment à travers les Comités
de Consultation. Une "journée des associations"
est par ailleurs organisée chaque année, durant
laquelle les associations disposent d'un stand pour exposer leur
activités. 500 associations environ y sont présentes
chaque années, et entre 10 et 15 000 personnes participent
à cette journée, qui permet à la fois d'affirmer
la force du mouvement associatif et le soutien dont il bénéficie
de la part de la Municipalité.
Le partenariat entre la Ville de Poitiers et le monde associatif
est donc ancien ; la mise en oeuvre de la Charte a permis
de l'affirmer et de le renforcer, mais sans qu'il y ait de réorientation
ou de création de nouvelles instances.
Quant à la concertation avec l'ensemble des habitants,
qu'ils soient ou non constitués en associations, elle a
été développée suivant deux axes :
Des "Journées-dialogue" ont été
organisées depuis 1996. En un an, le Maire et les élus
et techniciens intéressés se rendent dans l'ensemble
des quartiers de la ville, à raison d'un quartier par mois,
et y rencontrent les habitants autour d'un thème précis.
Ces rencontres informelles, dans la rue, sont suivies dans la
soirée d'une réunion de synthèse. Les habitants
sont prévenus à l'avance, par un journal envoyé
à tous les foyers, de la tenue de cette journée
dans les quartiers. Le succès de ces journées tient
notamment au fait que ce sont les élus qui se déplacent
pour aller à la rencontre des habitants, et non plus, comme
cela se fait habituellement, les habitants qui doivent se déplacer
pour aller écouter les élus.
La première année, les habitants ont ainsi été
consultés sur la vie quotidienne de leur quartier, en terme
de voirie, d'espaces verts, etc. La concertation avait été
préparée par un travail avec les Comités
de Consultation. La seconde année, le choix a été
fait d'élargir les thèmes abordés à
des questions concernant l'ensemble de l'agglomération,
considérant que la Démocratie participative ne devait
pas se limiter à des enjeux de quartier. Les discussions
ont donc porté sur la révision du Plan d'Occupation
des Sols et l'élaboration du Plan de Déplacements
Urbains.
Ces Journées-dialogue avaient été préparées
par l'envoi d'un questionnaire aux acteurs des quartiers, qui
avait fait apparaître les grandes orientations souhaitées
par les habitants pour leur ville, grandes orientations qui pouvaient
entrer en contradiction avec certaines revendications "de
quartier". Enfin la troisième année a été
consacrée à une concertation autour de l'élaboration
du Contrat de Ville, sur la base d'une première proposition
élaborée par la Municipalité.
La concertation a également été organisée
de façon systématique avec les habitants pour l'ensemble
des projets concernant la ville ou ses quartiers. Il est désormais
prévuque tous les projets de la Ville intègrent,
outre la fiche technique et la fiche financière, une fiche
concertation, détaillant la façon dont elle a été
mise en place dans le cadre de l'élaboration du projet.
Des rencontres avec les habitants sont donc organisées
pour chaque projet, que ce soit dans le cadre des Comités
de Quartier, par convocation de Comités de Consultation,
par des réunions de l'ensemble des habitants, etc.
L'expérience la plus significative en matière de
concertation sur projets est celle qui a été mise
en place dans le quartier Saint-Cyprien il y a quelques années :
suite à la destruction d'une cité d'urgence, un
terrain est devenu disponible, qui séparait un quartier
de logements sociaux ou en accession à la propriété
du reste de la ville. L'OPARC (Office Public d'Aménagement,
de Réhabilitation et de Construction) a émis le
projet de désenclaver ces immeubles par la construction
d'une route sur le terrain libéré. Suite à
l'opposition de certains habitants, un questionnaire a été
distribué aux 377 foyers du quartier. 177 réponses
ont été recueillies, dont 152 refusaient le projet.
La Municipalité a pris acte de ce refus, et a invité
les habitants à élaborer un projet alternatif, ce
qu'ils ont fait en proposantun espace vert sportif et ludique.
Les habitants, les élus et les techniciens ont ensuite
travaillé ensemble sur ce projet, qui a ensuite été
réalisé et fonctionne depuis l'été
1999. Ce travail en commun, qui a marqué une véritable
évolution de la façon de travailler de la Municipalité,
a aussi permis de structurer durablement la vie sociale du quartier,
dans la mesure où les habitants se sont par la suite associés
autour de l'organisation de manifestations ponctuelles, comme
l'accueil de la marche des chômeurs.
Le cas de ce projet constitue néanmoins un cas particulier :
à d'autres occasions dans d'autres quartiers la concertation
a été plus conflictuelle et a pu aboutir à
la constitution de groupes d'habitants antagonistes, etc.
Pilotage du dispositif
Un suivi informel des divers dispositifs de Démocratie
locale est assurée par le service Politique de la Ville,
rattachée à la Direction du Développement
Urbain.
D'un point de vue politique, il existe un Adjoint chargé
de la Solidarité, des Quartiers et de la Citoyenneté,
un Conseiller Municipal délégué à
l'Insertion et à la Prévention, et un Conseiller
Municipal chargé de la Citoyenneté. Outre ces deux
personnes, il n'existe pas spécifiquement d'élus
de quartier. Il est néanmoins demandé à tous
les élus d'être présents dans le quartier
où ils résident, d'y entretenir un contact régulier
avec les habitants, afin d'assurer une interface informelle entre
la Municipalité et les habitants. Dans les faits, il existe
en général de façon informelle, aux yeux
des habitants, un élu référent pour chaque
quartier.
Lien entre les dispositifs de Démocratie locale et les
structures déconcentrées de la Ville
Il existe à Poitiers, de très longue date, cinq
Mairies annexes, dans cinq des plus importants quartiers, qui
délivrent des prestations administratives -état-civil,
cartes de cantine, aide médicale, etc. Dans ces Mairies
annexes, des Emplois-Jeunes d'Agents Locaux de Médiation
ont été mis en place et rattachés aux Mairies
Annexes. Facilitateurs administratifs, ils sont notamment chargés
de faire le lien entre la Ville et les habitants et les associations.
Au moment du premier mandat de la Municipalité toujours
en place aujourd'hui, en 1977, il avait été décidé
que chaque quartier de la ville devait pouvoir être autonome
en matière d'équipements. C'est donc de ce moment-là
que date le début de la démarche de territorialisation
à Poitiers. Les équipements mis en place -piscines,
gymnases, bibliothèques, etc.- ont en outre été
mis en réseau les uns avec les autres.
Enfin, des Maisons de Quartier ont été mises en
place dans chaque quartier de la ville. Elle sont prises en compte
par la Charte de la Citoyenneté comme devant constituer
des lieux d'information permettant "aux habitants d'être
acteurs dans leur quartier". Il s'agit soit d'équipements
pré-existants, gérés par des strucures associatives
(MJC, Centres Sociaux, etc.), soit d'équipements mis en
place après 1977, auxquels la Municipalité a confié,
par convention, une mission d'intérêt général
déclinée autour de trois axes : l'animation
de la vie du quartier, le développement de politiques de
solidarité à destination des publics en difficulté,
et la diffusion culturelle par l'intermédiaire d'une salle
de spectacles. Ces maisons de Quartier disposent d'une subvention
globale de 15 millions de francs par an, à laquelle il
faut ajouter les agents et les locaux mis à leur disposition
par la Mairie dans le cadre de cette mission d'intérêt
général, pour arriver à une somme que l'on
peut évaluer à 20 millions de francs environ.
Enjeux et perspectives
Eléments de bilan
La mise en place des dispositifs de Démocratie locale a
été à l'origine d'évolution importantes
dans la façon de travailler des élus et des techniciens
de la Municipalité. Ces deux types d'acteurs, en effet,
ont intégré à leur approche la nécessité
de mettre en place des concertations de façon quasi-systématique.
Aujourd'hui, les élus et les techniciens ont acquis le
réflexe, pour tous les projets qu'ils défendent,
d'aller en parler aux habitants. Ils ont intégré
à leur fonction un rôle pédagogique, et ont
pris l'habitude de faire la démarche d'expliquer ce qu'ils
font aux habitants.
Démocratie participative et intérêt général
Dans son Rapport de l'année 1997, l'Observatoire de la
Vie Citoyenne rappelait l'objectif de coproduction des décisions
par les habitants, les élus et les techniciens, mais insistait
aussi sur les limites de ce processus de coproduction, et la nécessité
de le distinguer de "l'acte final de décider",
qui appartient en dernier ressort aux élus. Cette vision
des choses a été critiquée en ces termes
par la revue Territoires : "De [l'affirmation suivant
laquelle les élus ont la légitimité du suffrage
universel] semble découler l'exclusivité de la décision
du pouvoir final de l'élu. On peut donc dire qu'en droit,
ce qu'on appelle couramment la participation est en réalité
une participation à l'instruction et non à la décision,
non un partage des pouvoirs. Cette analyse, juridiquement incontestable,
peut-elle satisfaire les citoyens participants, qui semblent aspirer
à des formes de codécision, de cogestion ?".
Or l'Observatoire de la Vie Citoyenne a souhaité réaffirmer
cette position dans son Rapport de l'année 1999, et envisage
aujourd'hui de revoir la Charte de la Citoyenneté en travaillant
sur les limites de la Démocratie participative. Si la coproduction
est un objectif, en effet, la codécision n'est pour sa
part pas toujours possible. Les demandes des habitants, en effet,
peuvent avoir pour but la défense de l'intérêt
particulier de certains groupes, au détriment d'autres
groupes ou de l'ensemble de la population et du principe de solidarité.
Dès lors, le rôle des élus est de savoir dire
non à certaines demandes, en référence à
la notion d'intérêt général ou au respect
des grands axes d'action définis au moment des élections
municipales et validés par la suffrage universel, grands
axes sur lesquels il n'est pas question de revenir au cours du
mandat. L'Observatoire de la Vie Citoyenne réaffirme donc,
en dernier resort, la position de l'élu comme défenseur
de l'intérêt général face aux intérêts
particuliers.
Contacts
Mairie de Poitiers : 05 49 52 35 35
Anne Pignon : Chef de Projet Contrat de Ville.
Jean-Louis Gaboreau : Adjoint chargé de la Solidarité,
des Quartiers et de la Citoyenneté.
Bernard Bourdet : Conseiller Municipal chargé de la Citoyenneté.
Crédits
Cette fiche a été rédigée par Pascale
Korn pour le compte de la Délégation Interministérielle
à la Ville, dans le cadre du partenariat conclu entre cette
institution et la Commune de Montreuil pour l'organisation de
la Première Rencontre Nationale "Territoire et proximité,
moteurs de la modernisation du service public des communes"
qui s'est tenu les 24 et 25 février 2000.
Les expériences en matière de territorialisation
de quatorze collectivités locales ont été
recueillies en janvier-février 2000 :
Pour neuf de ces collectivités, des entretiens ont été
réalisés auprès de responsables administratifs
ou politiques. Il s'agit du Conseil Général du Nord
et des communes d'Amiens, Boulogne-Billancourt, Dunkerque, Evry,
Mâcon, Nantes, Poitiers et Rennes.
L'expérience des cinq autres collectivités a été
recueillie par l'intermédiaire d'entretiens transmis à
des responsables administratifs, entretiens qui ont ensuite fait
l'objet d'une synthèse. Il s'agit du Conseil Général
du Rhône et des communes de Cergy, Montreuil, Saint-Herblain
et Strasbourg. |
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